Que nous disent les jeunes ?

Ces 15 dernières années, nous avons rencontré près de 300 jeunes qui à travers leur témoignage, décrivent un vide intérieur...

Ils ressentent un profond malaise identitaire, parfois dès le plus jeune âge. Sentiment d’être mal considérés, relégués, de ne pas disposer des bons réseaux. « C’est comme si on était en guerre » ; « comme si on était parqués dans un enclos ». Des conflits de loyauté dans leur tête, par rapport aux origines, à la famille, au groupe, au quartier, qui participent de la difficulté à trouver sa place : partir, réussir, ce serait un peu trahir, rompre une forme de fidélité… « Quand je suis dans le quartier, je ne me sens pas Français. Les policiers, ils passent, nous regardent, parfois nous insultent. Par contre quand je vais à l’école, dans les musées, les mairies, quand je travaille, là mais seulement à ce moment-là, je me sens Français ».

Ils sont dans une grande solitude. Travaillés très tôt par des questions existentielles profondes, sur le rapport à l’autre, la violence, le changement intérieur, l’identité, la place dans la société, la responsabilité… ils ne trouvent pas de réponse par manque d’interlocuteurs... « Ce que je voudrais, c’est avoir un garde du corps tous les jours près de moi pour me sentir en sécurité, ne plus avoir peur des autres, ne plus leur rentrer dedans, les agresser, histoire de prendre les devants. Les relations brutales, je ne connais que ça».

Devant l’absence de réponses, ils sont tentés d’aller chercher le groupe pour se rassurer et trouver des réponses, même si celles-ci peuvent se réduire à la victimisation et conduire au rejet de l’autre. « Le groupe t’enferme, avec des idées toutes faites sur l’argent, les filles et tout ce qui va avec. On gamberge, on se fait des films et on tombe parfois dans la parano, on finit par se méfier de tout le monde. On se sent stigmatisé, étiqueté mais souvent, nous-mêmes, on stigmatise et on étiquette les autres, il faut bien le reconnaitre.»

Au fil des témoignages se dessine ainsi en creux une société où les adultes peinent à faire corps. Comme si nous n’avions plus la capacité de proposer aux jeunes des espaces qui leur permettent de se confronter, se questionner, élaborer une pensée sur les sujets importants qui les travaillent. Des espaces qui leur permettent de s’élever, s’émanciper, devenir autonomes.